De belles histoires sur le Français du professeur Yoshimi ASAHINA




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Bataille terminologique
2005.03Liste des essaisPrécédentSuivant
Vous l'aurez certainement remarqué. L'invasion progressive de la langue nationale par l'anglais n'est pas sans provoquer une certaine nervosité de la part du gouvernement français.

Parmi les choses qui nous sont familières, prenons par exemple le "Walkman". Grand succès commercial, né à l'instigation de la fille de M. Morita alors qu'elle roulait en voiture en compagnie de son père - patron de Sony - sur les Champs Elysées, cette idée brillante devint tout autre quand le produit se trouva baptisé d'un nom à consonance anglaise comme c'est souvent le cas chez les industriels nippons. A l'image de celui de la firme, le nom de ce produit est un néologisme anglais créé sans vergogne par les japonais, voire même peut être avec une pointe de fierté (le premier ne s'apparente ni à "Sonic" ni à "Sonant", et le second n'est ni "Walker" ni "Walking man"; ce qui revient en quelque sorte à inventer par exemple un mot comme "Nighther").

Si la société française semble se soumettre facilement à une anglicisation à bon marché, elle n'en est pas pour autant au point de se précipiter dans la culture d'importation. Lorsqu'on ouvre un dictionnaire Petit Larousse, le terme Walkman n'y figure non seulement même pas au rang de marque, mais il y est de plus remplacé par le mot français "baladeur". Ajoutons à toutes fins utiles que la racine de ce terme se trouve dans le verbe "se balader". L'adjectif et le substantif "baladeur" qui en découlent expriment "(Celui ou celle) qui aime à se promener". Bien qu'il soit superflu de le dire, précisons malgré tout que le terme "ballade" employé en poésie ou en musique représente quelque chose de différent et ne s'orthographie pas de la même façon. Bien entendu à l'heure actuelle, il arrive somme toute fréquemment que les français dénomment de façon générique comme Walkman tout lecteur de musique compact et portable doté d'un casque, mais ils se refusent à reconnaitre publiquement le côté rampant de tels vocables anglais.

Des exemples similaires se sont multipliés au cours de ces dernières années. Le vocabulaire du monde des technologies de l'information est à ce titre particulièrement remarquable. Internet (contraction de l'expression américaine international network) mais aussi Web (parfois appelé "la Toile") sont maintenant des mots totalement intégrés au vocabulaire français. Il fut par contre un temps où, en lieu et place de "software/hardware", le gouvernement privilégiait avec force l'usage de "logiciel/matériel", mais on trouve maintenant dans les dictionnaires des abréviations du style "soft" ou "hard" (bien que leur usage ne se limite pas à la seule informatique), preuve que la résistance française en ce domaine a peut être pris fin.

Du point de vue des japonais, cette forme "d'invasion" est considérée comme l'œuvre du temps, que l'on ne peut faire autrement que d'accepter. Mais à la difference du japonais, le français est une langue qui, auréolée de la gloire des Lumières, régna sur l'Europe au 18ème siècle comme le Latin au paravant. Une maxime fameuse d'Antoine de Rivarol exprime bien l'impudence de ce temps. Jetons un œil sur la première moitié de cette phrase célèbre, sans omettre de lire la seconde.
"CE QUI N'EST PAS CLAIR N'EST PAS FRANCAIS; ce qui n'est pas clair est encore anglais, italien, grec ou latin."

A la fierté qu'elle véhicule viennent s'enchevêtrer, lorsqu'on l'examine sur le plan des relations franco-britanniques, des considérations historiques dont j'ai eu l'occasion de parler la fois précédente. Sans vouloir me faire l'avocat de la France, parmi les raisons qui font que l'adoption d'une terminologie anglaise tend à provoquer de l'irritation, je voudrais attirer l'attention sur la réalité des emprunts mutuels complexes entre les deux langues.

"Interview" est un mot anglais. Signifiant "entrevue, entretien", ne pas y recourir, en particulier dans le domaine des mass media, ne frappe pas l'esprit, et c'est maintenant un terme populaire en japonais. Il en est de même en français où il est utilisé pour parler de "reportage" ou de "compte rendu de conférence", et il est également à l'origine du verbe interviewer et des substantifs intervieweur, intervieweuse. Mais ce qui est embêtant, c'est que si on examine l'étymologie d'interview, il n'y a rien à y faire, on arrive au terme français entrevue. Vous pouvez le constater en consultant un dictionnaire, il était utilisé de façon ordinaire pour parler d'entretien, tête-à-tête. Autrement dit "Avec un peu plus d'attention, n'avons nous donc pas tout ce qu'il nous faut pour ne pas avoir à emprunter à l'anglais. Prenons donc soin de notre langue". Mais je ne pense pas que les français en soit à ce niveau d'introspection, n'est ce pas?
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