Le fait que la centrale nucléaire de Kashiwazaki ait subi des dégâts lors du tremblement de terre qui a eu lieu le mois dernier, au large de Niigata a eu un grand retentissement au Japon et ailleurs. L’Italie a annulé la venue de son équipe de football, de peur des conséquences de la radioactivité. C’est l’archétype des dommages dus aux rumeurs, mais je pense que ce pays était déjà très sensibilisé à la sécurité des réacteurs, au point d’abandonner les « centrales nucléaires » par référendum en 1987.
Je me suis demandé quelle était la réaction de la France ; j’ai donc consulté le journal. Comme c’est un pays très dépendant de l’énergie atomique : selon l’ AIEA, elle atteint 78,1% (Allemagne 32,1%, Royaume-Uni 19,4%, et 35% pour le Japon) de sa production électrique, un chiffre impressionnant. « Le Monde » (daté du 17 Juillet) a publié un article de Philippe Pons, célèbre pour sa connaissance du Japon, dont le titre est " Bénigne fuite radioactive dans une centrale japonaise ". Ce qui mérite d’être remarqué est l’utilisation du terme "bénigne" (bénin au masculin). Cet adjectif fait tout de suite penser à une tumeur bénigne (maligne), et il semblerait que le fond du sentiment de l’auteur, désirant traiter les dégâts de ce tremblement de terre de manière intime soit différent de ceux des Italiens.
La réaction du « Figaro » approfondit plus le sujet ; sous le titre "Le séisme au Japon ravive la peur du nucléaire", les journalistes donnent, en plus d’une photo d’un transformateur brûlé, un schéma du dispositif antisismique installé à l’intérieur du réacteur, et ils ont présenté de manière assez détaillé l’explication des responsables de la centrale concernant cet accident ; de plus, les auteurs n’ont pas oublié de faire référence à l’histoire de la société de production d’électricité, qui est régulièrement blâmé pour son manque de transparence.
Mais, ce qui est intéressant, c’est que les rédacteurs s’efforcent de dissiper les inquiétudes en interviewant Sylvain Lavarenne, chef du bureau d'analyse du génie civil et des structures à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire. Celui-ci affirme que selon les informations qu’il a rassemblé chez ses homologues de la JNES (Je suppose qu’il s’agit de la Nuclear and Industrial Safety Agency, mais dans ce cas, l’acronyme anglais est NISA) entre autres, il semble que la situation est totalement sous contrôle. Là-dessus, il affirme que les circonstances sont différentes en France et au Japon, et il cite deux points.
La première concerne les séismes.
" La France métropolitaine est un territoire à sismicité très faible et modérée. Un séisme important ne se produit que tous les cent ans en moyenne. "
Et l’autre les réacteurs nucléaires.
"...nous n’avons pas les mêmes filières de réacteurs : au Japon, ils sont à eau bouillante, tandis qu’en France, ils sont à eau pressurisée. Il n’y a pas de catastrophe à redouter, car, comme les Japonais, nous avons optimisé la conception des bâtiments, en calculant toujours des marges de sécurité supérieures par rapport aux séismes que l’on a connus historiquement. "
J’ajouterais, bien que je sois un profane dans ce domaine, qu’il semblerait, dans le cas du PWR, que l’on évite le problème de l’arrivée de l’eau radioactive (i.e :sa vapeur) jusqu’aux turbines, comme c’est le cas dans les BWR, mais cela se paie par une structure plus compliquée.
Mr Lavarenne doit vouloir insister sur la sureté des centrales nucléaires françaises sur ce point, mais comme au Japon, si Tokyo Denryoku (société de production d’électricité de Tokyo) utilise bien des BWR, la a quand à elle choisi d’utiliser des réacteurs PWR, il me semble difficile de faire une simple comparaison.
Quoi qu’il en soit, on pourrait résumer ses propos par "En France, nos réacteurs sont conçu pour résister à tout.", mais cette phrase prononcée pour rassurer les lecteurs français devient à son tour une source de suspicion, puisque l’article se termine au moment où, voulant expliciter ce « tout » de manière concrète, il commence à citer les incendies et les chutes d’avions après les séismes.
Bon, j’ai parlé jusqu’ici des problèmes concernant la « sécurité », mais les sens que couvre ce mot ne se limitent pas à ceux énumérés ci-dessus.
Il est certain que de nos jours, les emplois suivants sont monnaie courante :
▶ Au niveau de la politique internationale :
Conseil de sécurité, Security Council
Traité de sécurité, security pact (treaty)
▶ Au niveau de la vie politique intérieure :
sécurité publique, public security
Compagnies républicaines de sécurité (ce qui donne l’acronyme C.R.S)
▶La structure institutionnelle de la société :
Sécurité sociale (abrégé en sécu), Welfare state.
Règles (consignes) de sécurité, safety regulations.
Mais si on recherche son étymologie, on, arrive au latin « securitas » qui signifiait à l’origine « se débarrasser des inquiétudes (d’ordre personnel), la tranquillité de l’esprit », ce qui est légèrement différent de «sûreté » :le fait d’être (objectivement sûr). Ce qui est important c’est que la personne concernée puisse être tranquille. En y réfléchissant en ayant pris conscience de ceci, je ne manque pas d’exemples d’emplois très banals :
Dormir en toute sécurité.
"Rappelons-nous la sécurité absolue que donne à l’enfant sa main dans la main de l’homme. " (Bremond)
De ce point de vue, les emplois comme « verre de sécurité, safety glass » ou « ceinture de sécurité, safety (seat) belt » doivent avoir pour origine l’idée qu’ils « protègent les individus, ce qui permet leur tranquillité d’esprit ».
La « sécurité » des centrales nucléaires devrait, au bout du compte retourner à ce principe. |