Mme Kitahara parle son amour pour la ville de Paris.



セ・サンパ
Nous vous présentons un Paris sympa, mis a jour quasiment toutes les semaines.
N°37 La lumière (1re partie). 04.2007Liste des essaisPrécédentSuivant

    Il est des instants où je sens que la lumière est belle.
    Par exemple, lorsque je roule en banlieue, après la pluie. 
    Un ciel bas s’étend au-delà des grandes plaines et des champs de colza, et des traits droits et incolores tombent des espaces entre les nuages, dont la couleur hésite entre le gris et le bleu.
Ces choses transparentes qui pleuvent du ciel se confondent avec l’horizon, et on voit une pale lueur, vraiment céleste et fraîche, comme si quelque chose venait de naître. A ces instants-là, un désir insensé de peindre cela me prend….
    Mais comme, en tant que peintre, je suis complètement débutante, je ne peux bien sûr, rien mettre sur une toile, mais mon amour et mon aspiration pour cette beauté devient de plus en plus grande, lorsque je suis en France. C’est une qualité de lumière que je n’ai encore jamais vu au Japon.
    En ville, ce n’est pas une lumière si « dramatique », mais je ressens déjà une beauté complètement différente de celle de Tokyo. Est-ce dû au fait que l’air est plus sec à Paris ?
    Vers la fin de l’hiver, la lumière qui pleut sur les jeunes pousses des feuilles de marronniers, comme si elle disait "Devenez vite grands", s’échappe de leurs interstices. Dans ces bosquets brillants, on dirait que la peau blanche des enfants devient translucide. Comme cette lumière est, bien que belle, assez forte, je mets des lunettes de soleil.

    A l’extrémité ouest de la ville de Paris, à côté du bois de Boulogne, il y a un  parc appelé jardin du Ranelagh.
    Cet endroit est officiellement un « jardin », mais contrairement à ceux qui se trouvent en ville, comme ceux du Luxembourg ou de Monceau, ce parc n’est pas entouré d’une grille en fer. C’est un endroit simple, où, si on arrive du côté de Passy, la route bordée d’arbres conduit directement à un espace dégagé. Et c’est un parc « naturel » duquel, si l’on continue tout droit, on tombe sur l’extrémité de la zone résidentielle du 16e arrondissement.
    Mais comme dans beaucoup de parcs parisiens, il y a ici un manège et un bac à sable, et les chemins goudronnés qui ne sont pas empruntés par les voitures sont pleins d’enfants s’entraînant au vélo ou aux patins à roulettes. Et il y a également les statues, qui vont avec les jardins. La Fontaine surveille les jeunes, dans la lumière qui s’échappe des frondaisons, avec le corbeau et le renard. J’adore me promener dans ce jardin aux saisons pleines de lumières.

    Il y a une raison à mon amour pour le jardin du Ranelagh.
    Je peux y être calme, comme si j’étais dans mon jardin, sans aucune tension, ni méfiance. Lorsque je suis venue à Paris pour la première fois, l’appartement de mes lointains cousins, où j’ai passé juste deux nuits, se trouvait boulevard Suchet, face au bois de Boulogne. La maison dans laquelle j’ai loué une chambre pendant environ un mois,  (elles sont rares dans la capitale) appartenant à une vieille dame, se situait, quand à elle, boulevard de Beauséjour.
    La propriétaire de cette maison de deux étages, qui s’élevait à côté des rails du Petit train, qui roulait à la périphérie de Paris, semblait être une riche veuve qui aimait beaucoup le Japon. Elle vivait dans ce logement avec sa domestique, et m’avait loué, si je me souviens bien, une chambre qu’elle n’utilisait plus pour 250 francs.
Pour moi, qui venait juste d’avoir vingt ans, cette veuve semblait être une femme très âgée (d’une centaine d’années) mais si je pense au fait qu’elle conduisait sa voiture, peut-être qu’après tout, elle n’avait qu’environ que soixante-dix ans.
    Lorsque j’ai payé le loyer pour un mois, comme le contenu de l’enveloppe que j’ai donné à la domestique était des billets tous neufs, ceux-ci s’étaient collés les uns aux autres, et la vieille femme s’est plaint qu’il n’y avait pas assez d’argent.
    De plus, elle comptait en anciens francs (La France a dévalué sa monnaie en 1958, et les « nouveaux » francs ont régné en maîtres durant quarante années, mais plus tard, en 2002, le pays est passé à l’Euro. Maintenant, plus personne ne parle en francs dans la vie de tous les jours, mais s’il s’agit de grandes sommes, certaines personnes saisissent mieux en ancienne monnaie), et c’est devenu une histoire d’un manque de dizaines de milliers, ce qui m’a beaucoup embrouillé. J’ai eu envie de pleurer, en me disant : "Le français appris au Japon ne me sert à rien", mais à force de parler à coup de quiproquos, notre malentendu a fini par se dissiper.
    Des fenêtres du 2e étage de cette maison simple, mais élégante, je regardais tous les jours le jardin du Ranelagh, et je prenais le métro en respirant son air.
    Comme c’était il y a bien longtemps, lorsque j’avais une vingtaine d’années, je ne me rendais absolument pas compte, à l’époque, de la « lumière », mais ce qui est sûr c’est que des scènes tout à fait différents de ceux du Japon ont quand même  stimulé ma sensibilité.   Je peux toujours me souvenir clairement de fières allures des manteaux et des képis des policiers que je croisais lorsque je me promenais -A Paris, il n’y a pas de kôban, mais il y a vraiment beaucoup de policiers. Et ils se promènent (patrouillent !?) tout le temps- des jolies  courbes des lettres de « Métropolitain », des belles rues bordées de platanes ou de marronniers et de magnifiques immeubles en pierre, ou de la sensation que je ressentais lorsque je marchais sur les chemins, non goudronnées mais recouvertes de terre et de petites pierres. Non, comme cette atmosphère reste encore inchangée, pour être précis je ne m’en souviens pas, mais comme j’adore cette perception et comme je me sens tellement bien que peut-être qu’inconsciemment mes pas se dirigent vers Ranelagh.

(La suite dans le prochain numéro)



Jeunes pousses de marronnier.


La lumière de Ranelagh.


Sculpture de La Fontaine.


La maison de Beauséjour.
Liste des essaisPrécédentSuivant

【NET NIHON S.A.R.L.】
Copyright (c)NET NIHON.All Rights Reserved
info@mon-paris.info