Il y a de cela plus d’une dizaine d’années, j’ai visité Paris après ne pas avoir mis un pied hors du Japon pendant 8 ans. Je suis sortie en ville en ayant très légèrement peur d’être désorientée par un « Paris inconnu», car bien que courant à droite et à gauche à cause des incessants changements de la ville de Tokyo et de ses moyens de transports, j’y étais complètement immergée.

Je me suis promenée dans le Jardin des Tuileries, en étant soulagée que la pyramide de verre de la cour intérieure du Louvre, qui était apparue durant ces 8 années, s’intègre bien, contre toute attente, à l’ensemble. Et j’était vraiment très heureuse que Paris, que je revisitais après neuf années d’absence, n’avait subi aucune modification (c’est normal, puisqu’elle demeure quasiment inchangée depuis 1860 !)  

C’est certainement cet « espace immuable » que je demande à cette ville.
Dans ce monde où tout est impermanent, dans lequel nous n’avons qu’une centaine d’années, aussi longtemps qu’on vive, je trouve un équilibre imparfait en me posant dans quelque chose d’immuable, ne serait-ce qu’un instant… ; pensais-je, de manière curieusement philosophique.

　Mais là, je dis trop de bien de Paris, car en réalité, même les bâtiments changent. D’ailleurs, la ville de 1860 à été crée en démolissant à petite dose ce qui préexistait. Hubert ROBERT (1733-1808)  a réalisé de nombreux tableaux de ruines, et il est vrai qu’a l’échelle de milliers d’années, on ne sait malheureusement pas ce qui va se passer. Je ne peux qu’espérer que Paris demeurera cette belle cité pour l’éternité. Je me promenais sans but, en pensant qu’au moins, cette ville est sure, car peu exposée aux menaces naturelles comme les séismes et les typhons.  

　La Madelaine, à laquelle je jetais un regard en traversant le passage piéton, après être passée par le jardin des Tuileries et la Place de la Concorde, s’estompait dans une brume rose pale, dans le crépuscule.   « Ah, c’est beau ! » pensais-je. Mais juste après, je sentis que quelque chose n’allait pas. Mon instinct m’avait averti que ce n’était pas la vue de la Madelaine que j’avais intériorisée.  
Est-ce que le bâtiment s’estomperait autant, juste à cause du crépuscule ??
Je me dirigeais vers l’Hôtel de Crillon, mais je fis demi-tour. Puis, je m’engageais sur la Rue Royale, pour regarder attentivement l’église. C’était un dessin. Toute la façade de l’église était recouverte d’une image en trompe-l’œil.
Sa silhouette, qui fait que La Madelaine soit La Madelaine, qui semblait dire « C’est une question de dignité » m’a ému.

　Depuis, je pense que « Même les zones en travaux sont intéressants à Paris ». Les murs qui cachent les travaux d’hôtels connus, ou les sièges des vieilles enseignes s’ornent d’œuvres élaborées, et créent de magnifiques peintures murales, comme s’ils rivalisaient entre eux. Comme ce sont des gens qui adorent le trompe l’œil, il y sont très habiles, et y excellent.

　Il y a quelque temps, comme j’ai vu que le Ministère de la Marine, sur la Place de la Concorde, était recouvert par quelque chose comme un léger voile,、j’en avais tirée des conclusions hâtives : « Ah, encore un nettoyage. « Mais pourquoi un voile si fin ?  Comme c’est un bureau gouvernemental, ils veulent sûrement économiser de l’argent…. mais avec un tel dispositif, la poudre va se disperser », mais en me rapprochant pour vérifier, il s’agissait, là encore, d’un panneau solide sur lequel on avait représenté le bâtiment, comme si on le voyait à travers un voile. Certaines, parmi les fenêtres bien alignées, étaient même à demi ouvertes ; superbe.

　Cela s’est passé lorsque je visitait une connaissance qui logeait à l’hôtel Georges V. Je suis entrée dans la rue George V du coté du magasin Louis Vuitton, sur les Champs Elysées (ici aussi, j’avais été très impressionnée lors des travaux d’il y a quelques années). Comme d’habitude, je jetais de petits coups d’œil à la vitrine de la boutique, pour vérifier, l’air de rien, ce qu’il y avait à vendre, puis, j’ai regardé devant moi.
J’ai eu tout d’un coup le vertige (du moins, j’en ai eu l’impression).
Quoi, un vertige ?　 Je me suis arrêtée un instant, et cligna encore une fois des yeux.
Non, ce n’était pas cela ; l’immeuble en face de moi ondulait, comme s’il fondait. Mmm, ils poussent les choses très loin. 　
Chapeau.

Le Ministère de la Marine,


Tordu.