ppLes samedis
matins, nous allons toujours faire les courses si nous n’avons rien
de spécial de prévu. Nous avons en fait gardé cette habitude depuis
notre jeunesse ; à l’époque nous allions en voiture dans un grand
supermarché (qui étaient encore rares à Paris) qui venait d’ouvrir
à l’extrême sud du 16e, et nous achetions de pleins chariots d’articles
ménagers, comme de l’eau ou des couches en papier. Comme les dimanches
sont des jours de congés, et donc la plupart des magasins étaient
fermés, c’était notre rituel du samedi.
ppMaintenant, nous allons au « Marché
» tout court. Sur la place des Ternes du 17e, il y a un marché
où il est dit qu’on peut trouver les meilleurs produits parisiens.
Comme il est permanent, les magasins ressemblent à première vue
à des boutiques normaux, mais la circulation de véhicules devient
interdite, et il y a aussi des commerçants qui viennent de province,
et qui installent leurs stands dans la rue. Le marché de Neuilly
est également célèbre, mais comme il a lieu les mercredis, les
vendredis et les dimanches, il est fermé les samedis ; c’est pourquoi
nous nous déplaçons jusqu’à la place des Ternes.
ppIl y a aussi, au Japon, des marchés
matinaux célèbres dans des villes de provinces connues, mais le
fait que les marchés de la cité appelée Paris ont lieu dans de
nombreux endroits (il y a un lieu pour les marchés tous les deux
ou trois kilomètres), en fonction des jours de la semaine, serait
difficilement imaginable pour les habitants de Tokyo (les Français
les appellent Tokyoïtes). Et comme de nombreux Français, les Parisiens
adorent ces endroits. Lorsque je vois des jeunes et des vieux
des deux sexes, des bébés, et même des chiens circuler dans les
étroits passages, je songe que c’est vraiment un pays de gourmands.
ppLes Marchés ouvrent à environ
8h du matin. Les ossatures des tentes sont montées le soir précédant,
et au matin, elles sont habillées de toile blanche et équipées
de tables, et des boutiques apparaissent brusquement. Et les voix
fortes des vendeurs se font entendre, et les connaissances du
quartier se saluent pendant plus de quatre heures. Les jours de
beau temps, des curieux se mêlent à cette population, ce qui fait
ressembler l’endroit à une gare à l’heure de pointe. Mais tous
les magasins ferment après 13h ; les commerçants chargent dans
les camions le peu d’invendus, et lorsque les tables et vitrines
d’exposition sont démontées, il ne reste plus que des boites vides.
Légèrement après 14h, le camion du service de nettoyage de la
municipale passe, et avale les ordures accumulées en masse. Et
des éboueurs, en uniforme fluorescent, donnent un grand coup de
balais et rincent à grande eau. Sur les coups de 16h, le marché
retourne à des rues et des places toutes propres, comme si la
magie de la fée de Cendrillon s’était dissipée.
ppIl y a peu de monde au marché
lorsqu’on y va tôt le matin, et on peut y faire les courses sans
se fatiguer, mais il est en fait plus intéressant à 11h passées,
lorsqu’il est plein d’acheteurs. On regarde ce qu’achètent les
autres, décide du menu du souper en écoutant leurs discussions
avec les vendeurs, ou hésiter jusqu'à ce que son tour vienne…,
en faisant la queue. Mais faire cette dernière est en réalité
très compliquée, et à moins d’être un habitué auquel cas on pourra
se faire remarquer en lançant un signal du regard au vendeur,
il faut décider de notre position dans la queue à l’aide de communication
non verbale entre clients : il faut deviner où se trouve la fin,
et il faut s’approprier fermement sa place, sinon, vous ne pourrez
jamais parler au vendeur !
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La place vide, le soir, à partir de laquelle on
ne peut imaginer l’animation du marché du matin. |
ppL’un
des intérêts des marchés, c’est qu’on peut ressentir le cycle des
saisons. A Paris, avec les produits importés et la culture sous
serre, toutes sortes de produits inondent maintenant les supermarchés
et les épiceries de luxes, et l’alimentation congelée est désormais
courante, mais aux marchés, on peut trouver les produits frais de
saison ; à la période du gibier, on trouve des canard ou des lièvres
entre autres, avec leurs poils, et au printemps, les asperges blancs
sont appétissants. En hiver, les coquillages méritent d’être remarqués.
ppAvec le temps, tous les pays
sont devenus rationnels, et comme les hommes modernes sont occupés,
le fait de réchauffer ses plats au micro-ondes c’est certes fixée
dans la vie de tous les jours des habitants de la capitale, mais
aux marchés, on retrouve le traditionnel Paris des gourmets.
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