Le livre « Sekai no nihonjin joku
shû » : (Recueil des blagues du monde sur les Japonais)
Série Chukô Shinsho, écrit par le Reporteur
Hayasaka Takashi est très intéressant. Même
si des points de vues historiques et de la profondeur de pénétration,
ils sont loin d’égaler le peuple juif, on ne peut nier
que les Japonais ont laissé une impression extrêmement
forte dans de nombreuses régions du monde. On peut très
bien prendre les plaisanteries pour le prouver. Ce qui a par exemple
attiré mon regard est le passage sur « La sauterelle
et la fourmi ». Il s’agit de la parodie de la célèbre
fable d’ Ésope. Après la version américaine
où le talent au violon de la cigale est reconnu et celle-ci
devient très riche, celle de l’ex-URSS où la
cigale aide la sauterelle, mais où elles finissent par mourir
toutes les deux par manque de nourriture, j’ai été
étonné par la version japonaise, qui devait apporter
une conclusion définitive. Il y était écrit
que les deux insectes feront « karousi » (mourir d’épuisement).
En y pensant avec du recul, ce n’est pas entièrement
faux, mais il faut remarquer l’utilisation de ce terme. Derrière
cette blague, se cache le fait que « karousi » est entré
dans le vocabulaire international au même titre que kamikazé
ou karaoké, et le résultat de la recherche de Google
le prouve. Le fait que les Japonais soient travailleurs était
déjà connu, mais si les autres peuples pensent que
la poursuite acharnée du profit a précipité
l’être humain dans un tel enfer, c’est grave.
Mais du fait de la caractéristique de cet essai, on ne peut
se contenter de s’étonner. Empressons-nous de changer
de sujet : En France, on pense immédiatement à La
Fontaine dès qu’on parle de fables. En fait, ce n’est
pas une nouveauté, mais je veux attirer l’attention
que dans ses fables, ce n’est pas « La Sauterelle et
la Fourmi », mais « La Cigale et la Fourmi ».
De plus, si on regarde la traduction japonaise par Tetsuo NAKATSUKASA,
publiée aux éditions Iwanami, on se rend compte que
c’est La Fontaine qui a raison. Je voudrais bien demander
à un chercheur (comme par exemple à M. Daizaburo Okumoto)
sur les insectes où la fourmi s’est transformée
en sauterelle, mais l’article dans la Nouvelle encyclopédie
Standard Français/Japonais (Ed Taishûkan) nous donne
un indice : selon cet ouvrage, il arrive qu’en France du nord,
le terme « cigale » soit employée de manière
erronée pour désigner les sauterelles et les grillons.
Si on considère que c’est le cas ici, la raison de
la transformation de la cigale en sauterelle serait un mauvais emploi.
Mais même s’il s’agit tout deux d’insectes
d’été, la sauterelle et la cigale sont très
différent, et ne serait-ce pas pousser "l’erreur"
un peu loin que de les confondre ? Regardons par précaution
l’article sur cette dernière dans le Grand Larousse
:
« Gros insecte, abondant dans les régions méditerranéennes,
se nourrissant de la sève des arbres, et dont le mâle
fait entendre un bruit strident et monotone. »
Ce dictionnaire est pratique pour lire les œuvres littéraires,
mais cette explication manque de rigueur, et je pense qu’il
est impossible d’imaginer une cigale à partir d’elle.
Mais
en y réfléchissant bien, peut-être que cela
ne reflète que la logique des Français qui mettent
tous les insectes dans le même sac : les petites bêtes.
De plus, comme La Fontaine n’est jamais allé dans le
sud de la France, il est tout a fait impensable qu’il différenciait
ces deux insectes dans son œuvre. D’autre part, l’illustration
de la première édition, publiée en 1668, a
été réalisée par Chauveau, semble-t-il,
mais d’après ce que j’ai pu en voir sur la photocopie,
la réalisation des insectes est très enfantine et
manque de conviction. Il représente une fourmi qui me semble
trop grande et ce qui ressemble plus à une sauterelle qu’à
une cigale qui se font face. L’illustrateur a dû penser
que l’exactitude de leurs formes importait peu du moment qu’ils
étaient différenciés. Pour résumer,
on pourrait conclure que l’auteur, l’illustrateur, et
tout ceux qui utilisent le français ont un point de vue sur
les insectes, qui, vu par les Japonais, ne peut qu’être
qualifié d’approximatif. J’ai fait un grand détour,
mais c’est ce terme « bête » qui est le
thème de ce numéro.
Ce mot peut également être utilisé comme adjectif.
Tu es bête ! /You are stupid !
Ce n’est pas bête ce que tu dis. /It’s not a bad
idea what you say.
C’est un emploi courant ; mais on s’intéressera
plutôt ici au cas des noms.
J’ai écrit plus haut que « bête »
désignait tous les insectes, mais ce terme peut en fait avoir
une signification beaucoup plus large, et peut désigner,
dans la vie de tous les jours, presque tous les animaux.
?La Belle et la Bête / Beauty and the beast
?bêtes domestiques (sauvages) / domestic (wild) animals
Il a une centaine de bêtes. / He has around 100 head of cattle.
?lit infesté de bêtes / bug-ridden bed
Bête à bon Dieu / ladybird (Ang) ?ladybug(US) : la
« coccinelle »
(On l’appelle « bête à bon Dieu »,
car il y a une croyance populaire selon la quelle si l’on
place cet insecte sur son index et que l’on fait un vœu
avant qu’il ne s’envole, celui-ci se réalise)
?regarder qn comme une bête curieuse/ to look at sb as if
he (she) were a freak
Il arrive que non seulement les animaux, mais aussi les êtres
humains sensé s’y opposer, soient inclus dans le sens
de ce terme.
?Bête humaine / Human beast(Un roman de Zola.)
Le Président Bush est la bête noire de Monsieur Chavez.
The President Bush is the bête noire(Ang) (pet hate US) of
Mr. Chavez.
Hugo Rafael Chávez Frías
53e président du Vénézuela. |
L’homme n’est ni ange ni bête, et le malheur veut
que qui veut faire l’ange fait la bête. (Pascal :Pensées)
Man is neither angel nor beast, and it is unfortunately the case
that anyone trying to act the angel acts the beast. (Traduction
par A.J.Krailsheimer)
Ce qui suit est sur le prolongement de cette idée.
?bête de scène /brilliant actor
Bête à concours/ examen fiend
Bête de travail /workaholic
Je pense que vous comprenez qu’il ne s’agit pas toujours
de significations négatives, et si on revient au début,
je pense qu’il n’y a aucun doute que dans « karousi
» se cache une bête.
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